Should History Promote National Identification?

L’histoire devrait-elle promouvoir les identités nationales? | Soll Geschichte die nationale Identifikation fördern?

 

Abstract: Today’s iPhone and Facebook kids live in a global village. They speak multiple languages, tweet stories from friends all over the world, and have little patience for anti-immigrant walls. In many ways, the tide of cosmopolitanism is running in their favour. A post-national consciousness seems to have taken over. Yet, their school system presents a different picture. Created at the height of nationalism, public schooling continues to educate “a public” – to shape the national consciousness of its people. Around the world, the teaching of history plays a crucial role in the construction of a national culture. But the use of history for nation-building is a growing source of tension.
DOI: dx.doi.org/10.1515/phw-2017-8533
Languages: Français, English, Deutsch


Le concept du village global prend toute sa signification lorsqu’on s’intéresse à la nouvelle «génération Facebook». Branchés, multilingues et résolument opposés aux mesures anti-immigration, les jeunes d’aujourd’hui sont cosmopolites. Une conscience postnationale semble désormais les habiter. Or, le milieu scolaire leur offre un tout autre portrait. Issue des mouvements nationalistes du 19e siècle, l’école publique forme toujours la nation et, par le fait même, forge une conscience nationale. Ce paradoxe nous invite à la réflexion: L’histoire devrait-elle promouvoir la formation des identités nationales?

Les perspectives sur l’enseignement de l’histoire nationale

Dans une récente publication, Keith Barton a identifié trois perspectives pour traiter de la question de l’enseignement de l’histoire de la nation:[1]

1. L’histoire scolaire devrait promouvoir une identité nationale. Selon cette perspective «romantique», l’apprentissage de l’histoire favorise l’acquisition d’un bagage historique nécessaire à la formation d’une communauté nationale. Selon ce point de vue, l’histoire est intimement liée à la mémoire collective puisqu’elle permet à l’individu de se situer dans le temps et en continuité avec les expériences, les aspirations et les attentes des membres de la nation. Le rôle de l’école est de transmettre aux jeunes le récit de cette expérience historique commune permettant ainsi la formation d’une identité partagée.[2]

2. L’histoire scolaire devrait favoriser la formation de la pensée historique. Cette perspective «disciplinaire» vise à offrir aux élèves une formation intellectuelle.[3] Élaborée en réaction à l’approche nationale, cette perspective offre une filiation entre l’histoire savante et l’histoire scolaire, en opposant la mémoire à l’histoire. Alors que la mémoire forge l’identité et nourrit les besoins du présent, l’histoire est une reconstitution toujours problématique et incomplète du passé à partir d’une démarche raisonnée. Loin de façonner l’identité collective, la pensée historique offre plutôt un mode réflexif pour appréhender les réalités avec détachement et raisonnement critique.

3. L’histoire scolaire devrait offrir des «ressources» pour former l’identité. En réponse aux approches précédentes, Barton soutient que l’histoire scolaire joue un rôle non-négligeable dans la formation identitaire. Face à ce constat, l’école ne devrait pas, selon lui, ignorer son impact identitaire mais plutôt proposer des cours en tant que «ressource» éducative permettant aux jeunes de construire leurs propres identités multiples par une analyse critique des identités. Ultimement, l’éducation historique devrait fournir une formation intellectuelle qui permet aux jeunes de poser un regard critique et raisonné sur les divers choix identitaires possibles.[4]

La proposition de Barton est intéressante. Elle permet d’envisager un environnement scolaire au sein du quel les jeunes pourraient «poser un regard critique et raisonné» sur les choix identitaires qui s’offrent à eux. Mais cette perspective nécessite une analyse plus en profondeur.

La société démocratique et l’identité nationale

D’abord, les identités ne sont pas de simples tenues d’apparat que l’on peut choisir aisément. Les identités collectives sont le résultat d’une relation complexe entre l’individu et la culture historique. Cette culture comprend l’ensemble des «discours grâce auxquels une société peut se comprendre et s’imaginer dans la durée historique».[5] Ainsi, la culture fournit le cadre sociétal pour ancrer l’identification personnelle dans un continuum historique. Elle offre à l’individu un contexte signifiant qui lui permet de considérer les «horizons du pensable».[6] Évidemment, les cultures historiques ne sont pas figées dans le temps et les gens peuvent consciemment naviguer entre les cultures. Mais ces changements culturels ne sont jamais triviaux comme les immigrants peuvent d’ailleurs en témoigner. On peut donc affirmer que les jeunes arrivent à l’école avec des liens culturels et identitaires déjà établis qui ne devraient pas être sous-estimés.

Ensuite, les droits et les libertés des citoyens en société démocratique dépendent encore fortement des appartenances nationales.[7] A bien des égards, la mobilité et la conscience mondiale des jeunes dépendent de la capacité des États-nations à offrir un cadre qui favorise la paix et la mobilité. En ce sens, les droits du citoyen se sont propagés «au global en passant par le local», en s’établissant au sein même des cultures nationales.[8]

Enfin, il n’est pas clair selon Barton si les trois perspectives proposées peuvent s’appuyer les unes sur les autres. En d’autres mots, dans quelle mesure l’approche de l’école comme «ressource» éducative est-elle différente?

Que peut-on faire?

Il est difficile d’imaginer un environnement scolaire au sein duquel les jeunes pourraient «poser un regard critique et raisonné» sur les choix identitaires puisque l’école moderne fait partie intégrante d’un écosystème d’apprentissage qui structure les cadres sociaux de la communauté.

Face à ce constat, il m’apparait utile de présenter un modèle complémentaire de construction identitaire qui prend davantage en compte la pensée historique et les besoins des jeunes, notamment au sein de sociétés multiculturelles et multinationales comme le Canada:

1. Les cours d’histoire devraient sonder les identités des jeunes. Les études inspirées de la tradition constructiviste soulignent que les nouvelles connaissances ne sont pas simplement transmises; elles viennent se greffer aux connaissances antérieures de l’apprenant. Ces connaissances préalables sont issues d’expériences antérieures formatrices. Elles s’appuient sur des croyances, des conceptions et des modèles qui offrent un cadre structurant pour l’apprentissage. L’identité joue un rôle déterminant dans ce processus, agissant comme une lentille qui filtre l’information pertinente.[9] Les enseignants d’histoire devraient donc sonder le sentiment d’appartenance identitaire des jeunes afin de mieux arrimer l’enseignement aux besoins des élèves, et favoriser un meilleure apprentissage actif et réfléchi. (Quel est votre sentiment d’appartenance identitaire? En quoi ce sentiment affecte-il votre apprentissage de l’histoire?)

2. Les cours d’histoire devraient étudier la nature des cultures historiques. Les jeunes apprennent encore l’histoire au sein d’une culture historique nationale. Or, peu d’occasions sont offertes aux élèves d’analyser les fondements mêmes de cette culture à partir d’une démarche de la pensée historique. Si nous souhaitons que les jeunes posent un regard critique et raisonné sur les identités, les enseignants devraient alors expliquer la nature et le rôle de la culture historique dans la mémoire, la conscience et la formation identitaire. (Quels récits de la nation sont légitimés/marginalisés au sein d’une culture? Quelles sont les conséquences de cette légitimation?)

3. Les cours d’histoire devraient élargir et complexifier les identités collectives. Les programmes simplifient l’histoire nationale au nom de la mémoire et de la cohésion sociale. Ce récit «fermé» de la nation affecte directement la capacité des jeunes à s’identifier et s’inscrire dans l’histoire. C’est pourquoi les enseignants devraient offrir aux élèves de multiples points de vue et expériences historiques de manière à (1) mieux refléter l’ensemble des discours qui circulent au sein d’une culture historique, et (2) leur proposer de nouvelles façons de bâtir leur identité nationale. (Quelles identités peut-on construire et partager au sein d’une culture historique? Qui est inclus/exclus?)

Dans nos sociétés de plus en plus ouvertes sur le monde, nous ne pouvons plus endoctriner les jeunes par l’enseignement du grand récit national. Mais ignorer le rôle que joue l’histoire scolaire dans la formation des identités est tout aussi problématique. L’école doit occuper une place plus féconde dans le développement d’identités collectives ouvertes, réfléchies et utiles pour nos jeunes du 21e siècle.

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Littérature complémentaire

  • Mario Carretero, Mikel Asensio and Maria Rodriguez-Moneo (eds.), History Education and the Construction of National Identities. Charlotte, NC: Information Age Publishing, 2012.
  • Will Kymlicka, La citoyenneté multiculturelle. Québec: Boréal/La Découverte, 2001.

Liens externes

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L’auteur voudrait remercier Sabrina Moisan (Sherbrooke) pour ses judicieux commentaires sur cette version française de l’article.
[1] Keith Barton, “School history as a resource for constructing identities,” in History education and the construction of national identities, (eds.) Mario Carretero, Mikel Asensio, Maria Rodriguez-Moneo (Charlotte, NC: Information Age Publishing, 2012).
[2] Mario Carretero, Maria Rodrigues-Moneo, Mikel Asensio, “History education and the construction of national identity,” in History education and the construction of national identities, (eds.) Mario Carretero, Mikel Asensio, Maria Rodriguez-Moneo (Charlotte, NC: Information Age Publishing, 2012).
[3] Peter Seixas, “Schweigen! Die Kinder! Or, does postmodern history have a place in the schools,” in Knowing, teaching and learning history: National and international perspectives, (eds.) Peter Stearns, Peter Seixas, Sam Wineburg (New York: New York University Press, 2000); and Stéphane Lévesque, Thinking Historically: Educating Students for the 21st century (Toronto: University of Toronto Press, 2008).
[4] Barton, “School history as a resource for constructing identities,” 106.
[5] David Carr, “Historical orientation: Rüsen on historical culture and narration,” History and Theory, 45 (2006), 229-243.
[6] Avishai Margalit and Moshe Halbertal, “Liberalism and the right to culture,” Social Research, 61 (1994), 491-510.
[7] Will Kymlicka, Multicultural citizenship (New York: Oxford University Press, 1995).
[8] Michael Ignatieff, “Is the human rights era ending?” The New York Times (5 Fevrier 2002),  http://www.nytimes.com/2002/02/05/opinion/is-the-human-rights-era-ending.html (consulté pour la dernière fois le 9 mars 2017).
[9] On the impact of national identity on students’ historical ideas, see Keith Barton and Alan McCully, “History, identity, and the school curriculum in Northern Ireland: An empirical study of secondary school students’ ideas and perspectives,” Journal of Curriculum Studies, 37 (2005), 85-116; Carla Peck, “It’s not like [I’m] Chinese and Canadian. I am in between”: Ethnicity and students’ conceptions of historical significance,” Theory and Research in Social Education, 38 (2010), 574-617. Stéphane Lévesque, Jocelyn Létourneau, Raphael Gani, “A giant with clay feet: Québec students and their historical consciousness of the nation,” International Journal of Historical Learning, 11 (2013), 156-172; and Stéphane Lévesque, Jean-Philippe Croteau, Raphael Gani, “Conscience historique des jeunes francophones d’Ottawa: sentiment d’appartenance franco-ontarienne et récit du passé,” Revue du Nouvel Ontario, 40 (2015), http://www.erudit.org/revue/rno/2015/v/n40/1032587ar.html?vue=resume&mode=restriction (consulté pour la dernière fois le 9 mars 2017).

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Crédits Illustration

Carte postale. “La première leçon de français en Alsace” 1918 (éditions Katz à Rueil) © Archives Départementales d’Eure et Loire, 53 Fi 59 (cliché réalisé par l’atelier de numérisation des AD28).

Citation recommandée

Levesque, Stéphane: L’histoire devrait-elle promouvoir les identités nationales? In: Public History Weekly 5 (2017) 10, DOI: dx.doi.org/10.1515/phw-2017-8533

Copyright (c) 2017 by De Gruyter Oldenbourg and the author, all rights reserved. This work may be copied and redistributed for non-commercial, educational purposes, if permission is granted by the author and usage right holders. For permission please contact the editor-in-chief (see here). All articles are reliably referenced via a DOI, which includes all comments that are considered an integral part of the publication.

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DOI: dx.doi.org/10.1515/phw-2017-8533

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4 replies »

  1. Thank you, Stéphane Lévesque, for your interesting proposals.

    However, I am pessimist about the possibilities to expand students’ national identities and render them more complex. It’s very difficult to teach students the complexity of their identities, specially their national identity and also their national history. I think this because of the force of banal nationalism, as a nationalism of nation-states in western societies:[1] beliefs, practices, rituals and representations which bring to life and reproduce the idea of one’s own nation and others nations as timeless natural realities.

    We can also consider the existence of an everyday nationalism, as T. Edensor says: “in everyday life looms the national, a common-sense framework which provides a certain ontological and epistemological security, a geographical and historical mooring, and a legal, political and institutional complex which incorporates (and excludes) individuals as national subjects”.[2] This is the ordinary way which students and many history teachers, think about their national present and past, and this is also the way which mass media operate in everyday life. In fact the mass media has proved to be the most important way of disseminating representations of the nation; we can remember specially TV historical series, representing the historical national past.

    Of course it’s necessary to teach in history teacher education the contemporary construction of nations and national identities as a way to contest the essentialism of national identity, and to promote “critical” narratives of nation, in contrast of preeminence of “traditional” and “exemplary” narratives of nation, using the categories of J. Rüssen’ narrative thinking.[3] But I am not sure if it would be enough to promote alternative and more complex ways to think national identity and national past. The problem is the strong prevalence of national narrative templates – as a master narratives of nation – in the uses of history, in and out the schools.

    In fact, in Spain, a traditional national narrative live on in popular knowledge and are present in cultural products, for example in television series. The Spanish national narrative was established at the end of the 19th century and reached its highest degree of diffusion during the Francoist dictatorship. It would be an account which reproduces essentialist stereotypes dating national unity and the origin of the Spanish to pre-contemporary periods. This national narrative would be the way which cultural and political discourse of nation, defended by politicians and mass media, represented their own historical past. The continued existence of this national narrative would be dominant in Spanish nationalism, as well as in the alternative sub-state nationalisms, as Catalan nationalism that has its own national narrative. In students’ and trainee teachers’ representations of the past there is a mediation of this master narrative which has essentialist and emotional characteristics.

    In my research, as a qualitative analysis of an incidental sample of historical narratives od secondary students and future teachers from Valencia, I could demonstrated two facts: first, the importance of an essentialist vision of national identity that gives ordinary and emotional dimension to one’s identity; and second, the influence in the representations of national history of contents of national master narrative.[4] The majority of adolescents and young people lack the basic intellectual tools to think in historical terms about national identities and nations. They do not show evidence of understanding these ideas as socio-cultural constructions and non-essential realities.

    The teaching of history in the secondary education system does not prepare people to critically evaluate the representation of their own national identity, which is perceived to be natural. This essentialist view is reinforced by banal nationalism and everyday nationalism, therefore, continues to exist among future teachers. No significant changes could be observed with age (from secondary students to university students), only with an increased level of education in history. This is the case with some, but not all, of the trainee secondary teachers who are History graduates. But with school history learnt, no changes occur here. In Spanish basic education, there would be no deviation (in the content of the curriculum, in textbooks or in methods of evaluation) from what is a disciplinary code for history teaching at school; the learning by heart of the contents of a national narrative.[5] And this is a great obstacle to think historically nations and national identities and to teach students to denaturalize nations and to question any essentialist identity.

    References
    [1] Michael Billig, Banal nationalism (London: Sage, 1995).
    [2] Tim Edensor, National identity, popular culture and everyday (London: Berg, 2002), 29.
    [3] Jörn Rüsen, History: Narration, Interpretation, Orientation (New York: Berghahn, 2005).
    [4] Jorge Sáiz and Facal Ramón López Facal, “Narrativas nacionales históricas de estudiantes y profesorado en formación,” Revista de Educación, 374 (2016), 118-141.
    [5] Jorge Sáiz, Educación histórica y narrativa nacional, doctoral thesis (Valencia: University of Valencia, 2015)

  2. Thanks for the interesting conceptualization.

    Indeed, I think that the suggestions help to interrelate Barton’s three aims of history education, which – taken by themselves – present a certain tension among them. What the suggestions also do, is provide a certain balance of both analytical approaches by de-constructing (in the sense of our FUER-model) given historical presentations and identities on the one hand and synthetical, re-constructive approaches which help students not to be “left alone” after the constructedness of history has been grasped.

    However, it makes me wonder whether – in our post-modern, post-traditional societies in which cultural standards are available not from a single culture and time/period but from several – the qualification of the complex identities envisioned in the third point as “national” is called for – not the least because there are quite different concepts of “nation” around which are not easily compatible.

    One may call diverse, heterogeneous, pluralist societies “nations” also – but older ideas of nations being defined by ethnic (or even genetic) homogeneity and confined to the members of such supposedly “homogeneous” groups still prevail or even are on the rise again.

    I would therefore like to differentiate the question in the title of the original contribution: Yes, history should promote a sense of belonging to a group and identification – but no, this should not be “national”. Maybe one could refer to Stefanie Rathje’s (2007) concept of interculturality,[1] based on Klaus-Peter Hansen’s theory of culture,[2] which does reject the idea of “cultural” “coherence” as the basis of internal cohesion of societies. Referring to Hansen’s concept of “multicollectivity”, she poses that the “obvious cohesion of cultures is not the result of their coherence, […] but rather their familiarity and the “normality” of their internal differentiation.” “Culture” then is not a mold, resulting from processes of adaptation and integration, but rather a “glue” based on the normality of and familiarity with differences.

    Under this perspective, Lévesque’s concepts for integrating Barton’s three aims could be fully appreciated without having to postulate “national” identity, but also without rejecting it altogether – which surely would put off a lot of people who (still?) hold their nationality either in high esteem or as self-evident. Using Rathje’s concept, there were no necessity to postulate “nationality” as the central and all-encompassing concept of coherence which needs to be promoted. It would allow for “national” and other identities to co-exist as parts of a complex, cohesion-based society.

    References
    [1] Stefanie Rathje, Intercultural Competence. The Status and Future of a Controversial Concept,” Language and Intercultural Communication 7, no. 4 (2007): 254–266.
    [2] Klaus P. Hansen, Kultur und Kulturwissenschaft. Eine Einführung (Tübingen: Francke, 2011).

  3. Thank you, Stéphane, for a most stimulating contribution: stimulating for me, and, clearly, to others, as I see in the thoughtful responses of Andreas Körber and Jorge Sáiz.

    The development of students’ historical consciousness is influenced both by many aspects of extracurricular historical culture, and also by the exercises and experiences provided in the school curriculum. While there is a consensus that extracurricular historical culture usually holds a stronger hand than school practices, it lies largely outside the control of coordinated, research-based public policy decisions. On the other hand, school history curricula, teacher development and assessment programs lie, at least potentially, within. The interaction between these two dimensions, their relative weight in different circumstances, and the potential avenues for boosting school history to make students’ historical thinking more powerful, are thus the central research challenges for scholars in our field.

    You have convincingly defined this challenge.

  4. L’ENSEIGNEMENT/APPRENTISSAGE DE L’HISTOIRE DANS UN CONTEXTE MULTIETHNIQUE ET POSTCOLONIAL. L’EXEMPLE DU CAMEROUN

    Au Cameroun, deux sous-systèmes éducatifs sont concernés par la problématique de la promotion de l’enseignement de l’histoire nationale: l’un francophone et l’autre anglophone, chacun ayant maintenu la langue d’enseignement et les programmes d’histoire issus de la double domination anglaise et française qui a débuté au lendemain de la Première Guerre mondiale. Après la réunification de 1961, l’adoption des programmes d’histoire nationalisés et communs n’a pas été à l’ordre du jour tant les postures épistémologiques étaient différentes et surtout parce que chaque sous-système cherchait à préserver sa spécificité et sa différence culturelle. Et, disons-le sans équivoque, parce que chaque ancienne puissance coloniale continuait à veiller sur le devenir de son héritage scolaire dans cette jeune nation (Courage, 1978; Manière, 2010).

    De ce fait, longtemps après les indépendances, l’histoire scolaire n’était pas nationale. Elle ne correspondait pas aux objectifs du projet éducatif de consolidation de l’unité nationale prôné par le gouvernement et ne favorisait donc pas, chez les élèves, l’acquisition d’un bagage historique nécessaire à la formation d’une communauté nationale et d’une identité nationale plus achevée. Elle ne permettait pas non plus aux apprenants d’avoir une véritable capacité de prise sur le réel dans une société multiethnique, multiculturelle et pluraliste comme le Cameroun.

    Ce n’est qu’en 1990, après l’adoption de nouvelles normes esquissées pour la plupart depuis la Conférence mondiale sur l’Éducation pour Tous (EPT) de Jomtien (1990), que le Ministère de l’Éducation Nationale (MINEDUC) a actualisé et aménagé les contenus des programmes d’histoire scolaire. Ainsi, pour la première fois, les objectifs de formation sont devenus communs aux deux sous-systèmes éducatifs. L’on introduisait également l’histoire nationale dans toutes les classes du secondaire, bien qu’elle n’occupât qu’une portion congrue.

    Avec cet aménagement, le MINEDUC souhaitait dorénavant apporter aux élèves des repères temporels, les ouvrir au monde qui les entoure, étendre leur culture et affiner leur esprit critique en leur donnant une bonne connaissance du passé de leur pays et une plus grande conscience de leurs racines et de leur identité culturelle (MINEDUC, 1990).

    Malgré ces aménagements, les élèves sortaient de l’école secondaire avec un mince bagage historique sur l’histoire nationale, dont les pans entiers étaient toujours occultés. Ces programmes ont formé trois générations de citoyens Camerounais à une conscience historique[1] très sommaire et dont le développement semble être aujourd’hui une solution possible aux différentes revendications de tendances régionalistes, tribalistes, identitaires et séparatistes avec des remises en cause, parfois violentes, de l’unité nationale.

    En effet, de nombreux Camerounais, tout en ayant effectué toutes leurs études secondaires dans ce pays, se définissent d’abord à partir d’identités ethniques et culturelles transmises au sein des familles. L’enseignement-apprentissage factuel de la discipline (mémorisation de dates, de lieux et de personnages) ne permet pas aux enseignants en classe d’histoire de favoriser un apprentissage actif et réfléchi de la discipline. Peu d’occasions sont offertes aux élèves d’analyser les fondements même du Vivre-ensemble et de leur culture à partir d’une démarche relevant de la pensée historique, c’est-à-dire en concevant l’histoire comme une interprétation du passé. Certains Camerounais utilisent régulièrement des velléités «séparatistes» comme moyen de pression sur l’État, dans le jeu «normal» de l’équilibre régional: le Sud, l’Adamaoua, le Nord, l’Extrême Nord, l’Ouest bamileké, etc., chaque région à un moment ou à un autre a connu sa petite quinte «séparatiste» (Nkolo, 2017).

    De nombreux autres citoyens se définissent à partir d’identités extérieures et se réclament de leur attachement à des cultures importées plutôt qu’à la Nation camerounaise. La problématique anglophone en est une preuve probante. Elle est sans doute l’une des pires crises que le Cameroun ait eu à affronter depuis son indépendance en 1960 et sa réunification en 1961. En effet, qu’il s’agisse de la rébellion Upéciste, de la fin des années 1950 jusqu’au début des années 1970, de la succession chaotique à la tête de l’État (1983-1984), des vastes mouvements sociaux et politiques qui ont accompagné l’avènement du multipartisme dans les années (1990-1992), de la guerre de Bakassi qui opposa pendant plusieurs années le Cameroun au Nigeria, des émeutes de la faim intervenues dans le contexte de la crise financière de 2008, de la subversion islamiste de Boko Haram venue du Nigeria voisin et qui a eu pour conséquence la déstabilisation partielle de l’extrême Nord du pays, etc., aucune de ces crises n’a eu pour but explicite la fragmentation de l’entité étatique établie au moment de l’indépendance et de la réunification du pays[2].

    Le moins que l’on puisse dire est que de nombreux Camerounais ont un problème avec l’histoire nationale et que l’histoire scolaire n’offre pas suffisamment de «ressources éducatives» permettant aux jeunes de construire leurs propres identités multiples par une analyse critique des identités. Jusqu’à présent, l’enseignement-apprentissage de cette discipline n’a pas permis de préparer, comme il le devrait, les élèves à participer de façon responsable, en tant que citoyens, à la délibération, aux choix de société et au vivre ensemble dans une société démocratique, pluraliste et ouverte sur un monde complexe.

    La problématique anglophone qui a conduit à la crise sociopolitique actuelle traduit la complexité du Vivre-ensemble dans une terre multiethnique, pluraliste et démocratique. Cette crise interpelle l’ensemble de la société parce qu’elle touche à notre identité nationale, à notre unité nationale et à notre intégration nationale. Elle amène à questionner la place de l’enseignement de l’histoire nationale dans le développement d’identités collectives plus ouvertes, réfléchies et utiles pour nos jeunes du XXIe siècle, un enseignement-apprentissage de l’histoire qui servirait de socle pour asseoir le Vivre-ensemble dans ce pays.

    A l’évidence, la crise actuelle révèle les incohérences liées à la surenchère coloniale de l’enseignement de l’histoire scolaire. C’est plus l’héritage colonial qui définit notre identité au moment où nous devons nous poser des questions liées à notre appartenance commune à une même nation et penser de manière durable notre Vivre-ensemble. La vocation du Cameroun est de vivre pacifiquement dans l’unité et la diversité. Aussi est-ce le développement de la pensée historique et de la conscience historique des Camerounais qui peut fournir les ressources et les forces intérieures nécessaires à la consolidation du Vivre-ensemble.

    __________________

    [1] La compréhension du présent grâce à l’interprétation du passé permettant d’envisager l’avenir.
    [2] La crise sociopolitique actuelle qui a violemment paralysée les régions anglophones du pays semble être d’essence régionaliste et séparatiste avec pour finalité explicite la contestation et le chao entendu ici comme démantèlement, fragmentation de l’entité établi. Les pages Facebook des fédéralistes et des séparatistes «South Westerns», Mark Bareta (Bareta News), Ambazonia Governing, Ambazonia State, Ambazonia Independence, Martin Ekelenge, etc, détaillent les objectifs politiques et culturels visés.

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